MOT DE LA PRÉSIDENCE
Par le Dr Éric Poulin, optométriste et président
L’éditorial de l’Optopresse permet habituellement de partager avec vous les orientations et les positions de notre ordre professionnel ainsi que mon point de vue sur celles-ci. En ces temps troubles toutefois, les sujets qui étaient chauds et les questions jugées urgentes, il y a de cela trois petites semaines, présentent maintenant une importance toute relative.
Concernant le sujet qui a remplacé tous les autres, nous avons eu l’occasion de vous informer ad nauseam depuis quelques semaines. Cet Optopresse en résume les parties les plus importantes.
Le Québec est, comme l’a si bien dit M. Legault, ‘’sur pause’’. Vous me permettrez donc de faire la même chose avec cet éditorial.
Arrêt forcé
Cet arrêt forcé généralisé est une chose inédite, historique. Pour certains, l’expérience est immensément anxiogène, pour d’autres, profondément apaisante, révélatrice.
Un bateau qui s’arrête: c’est l’analogie qui me vient pour me représenter la situation actuelle.
On file à toute allure dans son embarcation, plein gaz vers une destination qu’on s’est fixée, ou, comme trop souvent, juste droit devant. Le moteur cale sans prévenir. C’est la première fois, on ne sait pas trop quoi faire pour le relancer, alors on contrôle de notre mieux notre barque jusqu’à l’arrêt complet.
Et là… rien! On n’avance plus.
Après ce sentiment désagréable de perte de contrôle, le questionnement légitime à savoir comment faire pour repartir et combien de temps on va perdre, on se permet de regarder autour.
Arrêt sur image. On entend, on voit des choses auxquelles on ne pouvait, ou ne voulait, prêter attention quand notre course folle se déroulait. Où allait-on déjà?
Un agenda vide.
Du temps pour prendre le temps.
Du temps pour penser, ou au contraire, pour ne penser à rien.
Du temps pour deviner l’après et, surtout, du temps pour regarder tout près
Voici un abécédaire de crise
Incomplet et dans le désordre. Prétexte pour ordonner et partager des pensées éparses, futiles ou pas.
Annie
Collègue de classe et tendre amie. Tu nous as quittés juste avant la tempête. On aurait eu bien besoin de ton soleil.
Amplificateur émotif
Semble que les crises jouent ce rôle. Divorce, changement de cap, remise en question. Faites attention à vous et consultez au besoin.
Baby-boom
Pour les couples qui vont passer au travers. On nous l’annonce pour la fin de l’année. À toute chose malheur est bon !
Blasphème
Entendu à une émission radio ayant pour thème les blasphèmes dans la chanson québécoise. C’est vrai que ça fait du bien pour faire sortir le méchant!
Littérature
En ces temps de confinement, au lieu des lectures convenues de Camus et de García Márquez, allons-y champ gauche, et de notre terroir.
Dany Laferrière avec L'Art presque perdu de ne rien faire. Tout est dans le titre.
Ou bien une lecture avec ses enfants: Hubert Reeves, L’Univers expliqué à mes petits enfants. Rien de tel pour relativiser notre importance et celle de cette crise.
Petit bonheur
Chacun le sien, je vote pour la première goutte de sève d’érable de la saison.
Grand bonheur
Regarder son enfant sans qu’il ne s’en rende compte. Longuement et avec attention. Mesurer le temps qui a passé et contempler ce qu’il devient. Déceler sa propre continuité.
Intense
La vie en confinement avec quatre ados.
Quarantaine
Aux personnes nées en 1970, vous pensiez que 2020 était l’année de la cinquantaine? Eh bien, bonne nouvelle ! C’est la quarantaine. La crise de la quarantaine !
Vrac
En vrac, plein de beaux mots qu’on n'utilise pas suffisamment: Sollicitude, aide, entraide, sympathie, empathie, compassion, dévouement.
Syndic
Pas facile d’avoir le rôle de préfet de discipline. Johanne voit habituellement le moins beau de nous. "Je suis fier de mes optos", qu’elle me dit la semaine passée, en pleine crise.
Tout l’amour et la fierté qu’il y avait là-dedans. Et l’emphase mise sur l’adjectif possessif "mes: Les miens.
Et moi de me dire que c’est bien vrai. Moi aussi je suis fier de notre petite famille tissée serrée. De notre réaction de groupe. De l’attitude de tous.
Distanciation
Physique, pas sociale. On garde nos distances, mais on se serre les coudes
On lâche pas !