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MOT DE LA PRÉSIDENCE

MOT DE LA PRÉSIDENCE


Par le Dr Éric Poulin, optométriste et président


 
 
Les curés

 

Quatre petits mois, mais en même temps une éternité. Si loin qu’on a presque du mal à se souvenir de l’avant.

Avant la crise, avant les masques. Avant les files d’attente et les gels hydroalcooliques.

Du temps béni où on pouvait se laver les mains moins de 20 secondes en oubliant ses pouces, serrer un être cher dans ses bras et ne pas se sentir coupable d’être à moins de deux mètres de quelqu’un.

Ces quatre mois de crise laisseront des stigmates. À un point tel qu’il est difficile pour certains d’imaginer l’après.

Mais toutes les crises ont une fin. Et les changements qu’elles apportent ne sont pas toujours négatifs. Les temps difficiles sont souvent des révélateurs et servent de tremplin au changement. Il nous revient d’en tirer le meilleur parti.

La tempête

Cette pandémie nous aura démontré ce qu’on savait déjà : les crises ne s’annoncent pas et il n’y a pas de manuel pour y faire face.

La réaction du gouvernement et sa gestion de la crise ont été tour à tour encensées et conspuées. Bien sûr, il est facile après coup de recenser les bonnes et les mauvaises décisions et d’en évaluer les conséquences. Mais difficile quand on navigue à vue…

De notre côté, la tempête nous aura révélé plusieurs choses:certaines positives, d’autres beaucoup moins.

Du côté positif, notons la reconnaissance de l’importance de notre contribution au système de santé. Nous avons été, avec les dentistes, les deux seules professions œuvrant dans le privé à qui on a d’abord demandé de maintenir l’offre de services jugés essentiels en ces temps de crise (d’autres professionnels ont ensuite été visés par les mesures prioritaires). Notons aussi la réaction exemplaire des optométristes, tant au niveau professionnel qu’humain, dans leurs relations avec leurs patients comme par leur dévouement dans nos différentes institutions. Notre profession a su montrer un esprit de corps face à cette crise qui nous a permis, ensemble, de la traverser avec brio pour le bien de nos patients.

Du côté négatif : sitôt reconnu, sitôt oublié. On nous a « demandé » de contribuer à l’effort collectif sans nous fournir les outils (financiers, matériels ou logistiques) et en nous offrant que très peu d’écoute. L’impression d’être oublié malgré notre contribution exemplaire et ramené dans le grand ensemble des « soins personnels » nous a laissé un goût amer. Ce fut une situation immensément frustrante pour nous tous.


Il ne faut jamais gaspiller une bonne crise (Winston Churchill)

La situation actuelle nous aura permis de jauger les forces et les faiblesses de l’optométrie québécoise. Étonnamment, notre pire faiblesse découle de notre plus grande force.

Notre profession a connu, au cours des 25 dernières années, une évolution importante et constante. Nous sommes passés, aux yeux de plusieurs, d’un statut de simple vendeur de lunettes à celui de professionnel incontournable de la première ligne des soins oculovisuels.

Pour ce faire, il nous a fallu travailler fort, nous former, prouver notre valeur.

L’Ordre des optométristes a bien sûr participé à cette marche. Nous avons été exigeants envers nos membres. Pas de demi-mesures, la barre toujours plus haute. Laver plus blanc que blanc. Presque une religion.

Cette quête d’excellence de la part des optométristes aura permis des avancées majeures à notre profession. Toutefois la rigueur, la rigidité diront certains, nécessaire à ces changements a également eu pour effet de créer un carcan, un tuteur, dont certains de nos collègues peinent à s’affranchir.

La crise nous montre à quel point le jugement professionnel est important dans notre pratique pour faire face aux situations inédites. La pratique optométrique est un art, pas un cahier de charge à respecter.

Un grand chef ne cuisine pas à l’aide d’un livre de recettes. Il maîtrise les bases et les techniques de la cuisine, utilise les meilleurs ingrédients et instruments, puis il crée.

Il en va de même pour nous. Il fut un temps où il nous a été nécessaire de tout codifier. Ce n’est plus le cas.

Cette prise de conscience sur le fait que certains optométristes semblent incapables de fonctionner sans directives précises d’instances supérieures nous conforte dans nos décisions de faire évoluer certains pans de l’Ordre et d’accélérer des chantiers sur lesquels nous avions déjà commencé à travailler. Le but est de (re)donner plus d’autonomie à nos professionnels.

D’abord la formation continue, que nous voulons plus flexible et mieux adaptée aux nouvelles réalités.

Ensuite l’inspection professionnelle. De nouvelles approches d’évaluation des compétences alliées à une refonte des guides cliniques permettront de soutenir l’évolution de nos membres tout au long de leurs carrières, en valorisant davantage le jugement clinique.

La création de champs d’expertise et la possibilité de pratique à distance à l’aide de la technologie devront aussi être tenues en compte dans la réalisation de ces changements.

La crise n’est pas encore derrière nous, mais elle nous aura servi de tremplin pour le futur.
 

Primum non nocere (en premier, ne pas nuire)

Maintenant que la première vague est sous contrôle et que le déconfinement se poursuit, il nous faut préparer la suite. Une deuxième vague semble inévitable et sera déjà sur nous lorsque nous en prendrons conscience. Il nous faut encore une fois être exemplaire dans notre gestion du risque, car risque il y a.

On a beau se comparer, tantôt aux commerces, tantôt à d’autres professionnels, notre profession fait malheureusement partie de celles qui sont le plus à risque (voir https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1691529/travailleurs-vulnerables-emploi-coronavirus-covid19-revenu-teletravail-infection).

Avec le temps qui passe, la routine et la fatigue qui s’installent, la lassitude des patients face aux mesures sanitaires, il sera facile de baisser la garde.

 

L’Ordre des optométristes sera là pour vous accompagner dans cette nouvelle normalité de pratique. Son rôle est toutefois, et avant tout, celui de protéger le public, et la lutte face à la pandémie ajoute nécessairement des responsabilités à notre profession. Nous ne devons pas devenir des foyers de contagions pour nos patients. Le respect des recommandations d’adaptation de nos pratiques en contexte de pandémie est et sera primordial.

Je ne souhaite pas « jouer au curé » (bien que je maîtrise le langage liturgique et ecclésiastique avec brio!), mais notre conduite sera jugée et analysée, en ce moment historique, non seulement sous l’angle du professionnel, mais du citoyen.

Soyons à la hauteur.

Encore une fois, on lâche pas!

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